cinéma, tirage à 3 cartes

Munny/Eastwood à l’épreuve du « lever de voile »

Image trouvée ici.

Un tirage en 3 cartes trouvé ici et qui va me servir de base à un nouvel exercice du « 21 ways to read a tarot card » … de Mary K Greer. Il s’agit cette fois, pour enrichir l’interprétation, de dessiner une scène qui intégrera les éléments des 3 cartes jugés pertinents dans la lecture ! Ce pourra être un dessin hyper schématique en bonhommes bâtons, ou quelque chose de plus fouillé si on a le temps. Pas besoin de talent artistique particulier, ce n’est pas l’objet (hm encore heureux…). Selon l’auteure, une telle activité pratiquée régulièrement permet à la fois de s’approprier les significations des cartes, d’offrir une vue globale du message dans un tirage à cartes multiples et de découvrir après-coup des aspects non notés auparavant, et c’est encore mieux si on soumet le résultat à un tiers dont l’oeil neuf repérera ce qui échappe au dessinateur.
Mon cobaye fictif du jour est William Munny tel qu’on le voit sur la photo ci-dessus dans le film « Unforgiven » de Clint Eastwood. Munny est un hors-la-loi sanguinaire « repenti », il s’est marié, a eu des enfants et s’est fait éleveur de cochons après avoir tué sauvagement à tour de bras, imbibé de whisky du matin au soir pendant des années.
Au début du film, on le voit ramer dans son exploitation peu rentable ; il a perdu sa femme, la bonne âme qui l’a « sauvé » et se retrouve seul pour élever ses deux enfants, un garçon et une fille. Il n’y arrive manifestement pas. On lui propose un contrat juteux pour aller venger une prostituée défigurée dans une ville typique du Western, livrée à l’autorité arbitraire d’un petit maître local qui fait sa loi (Gene Hackman, toujours excellent dans ce type de rôle). C’est parti pour le « lever de voile » avec le Morgan Greer.

La situation telle qu’elle est perçue par le consultant : le 4 des Coupes. Un visage émerge d’une touffe de tiges de lierre, sans un regard pour les trois coupes pleines à sa gauche au premier plan. Une main lui offre un autre coupe depuis un nuage jaune, que le personnage n’a pas l’air décidé à saisir (pas de main tendue), ou à vider (lèvres closes). Il me semble qu’il a les yeux fermés. Pas tenté donc, notre bonhomme. C’est en effet la 1ère réaction de Munny. Il s’est posé comme « farmer » pour travailler la terre et élever des bêtes, il a renoncé à ses frasques de jeunesse dont l’ivresse permanente n’était pas la moindre. Tout ça, c’est du passé, ça ne l’intéresse plus, non merci.

Ce qui empêche le consultant de voir les choses telles qu’elles sont : L’Etoile. Une femme nue, souriante, abreuve généreusement la terre et un point d’eau, un genou sur l’une, un pied dans l’autre, à l’aise dans les deux. Il fait nuit, le ciel est étoilé et l’astre le plus gros ne brille que pour elle, dirait-on. Elle est bien, n’a pas peur, elle est à sa place, généreuse, confiante, elle n’a rien à cacher. Elle pourrait tout à fait représenter la femme de Munny, celle qui l’a soustrait au crime, qui l’a ancré dans la terre et lui a offert une forme d’expiation en lui permettant de vivre à ses côtés selon ses préceptes. Cela peut également représenter la conviction de Munny lui-même qui penserait avoir trouvé sa voie en devenant agriculteur et en renonçant aux horreurs du passé. La scène du film dans laquelle il se vautre dans la boue dans une sorte d’auto-flagellation en essayant d’attraper un cochon, est révélatrice à ce propos ! Il se punit encore, rien n’est réglé ! Sa femme lui servait bien de point d’ancrage, et sa disparition montre à quel point « l’équilibre » de Munny était fragile et ne tenait qu’à elle. De plus, elle est enterrée dans cette terre qu’elle nourrit de son corps, comme la femme de la carte, d’où l’attachement de Munny à sa propriété et ses réticences à s’en éloigner, comme s’il ne pouvait être « bon » que là, protégé auprès de sa tombe à elle.
En réalité, il n’a fait qu’étouffer les émotions liées à son passé agité. Elles le hantent, il est terrifié à l’idée d’être plutôt le monstre d’autrefois que le bon père de famille chrétien qui travaille honnêtement la terre. Il ne veut pas réveiller la bête…

La situation réelle, la vérité : Le Chariot. On dirait vraiment Vercingétorix sur cette représentation, non ? Avant sa défaite, bien sûr. Il part au combat, jeune, prêt, fier, confiant, sûr de gagner, pas plus enquiquiné que ça par le fait que ses chevaux aillent dans des sens opposés. Il a de la ressource, il est costaud, il saura gérer ses propres tensions ! Arrogance de la jeunesse ! La puissance qui grise !
La situation réelle implique donc un départ, le réveil du Munny d’autrefois pour aller chercher l’argent qui lui permettra d’élever ses enfants, un prétexte peut-être, puisqu’il s’agit plutôt de régler ses comptes une bonne fois pour toutes avec son passé, avec ses erreurs, avec le fait qu’il a pris la mauvaise direction autrefois. Sans ça, il ne pourra pas tenir longtemps dans l’illusion qu’il entretient sur son lopin de terre.

Bon. J’ai fait un dessin avec des couleurs et tout qui m‘a pris des heures. J’ai soumis le dessin à « un oeil neuf », et à deux éléments près empruntés au film et non aux cartes qui l’ont détourné vers de « fausses pistes », cet oeil neuf a quand même vu l’essentiel sans connaître le contexte.
L’exercice est sans doute utile à des kinesthésiques, mais pour moi, bof bof.

Après une bonne nuit de sommeil, je l’ai quand même refait, en « bonhommes bâtons » et en enlevant les éléments narratifs du film que j’avais intégrés à tort.